Quels habitats fréquentez-vous?
eBird nous informe sur les localités fréquentées par les ornithologues, ce qui nous permet d’avoir une idée générale des habitats fréquentés. Mais souvent la localité est trompeuse, notamment si elle offre plusieurs habitats différents. Une manière de déterminer quels habitats sont fréquentés est de jeter un coup d’œil aux espèces observées. Une liste eBird avec des goglus et des sturnelles nous indique que l’observateur a fréquenté un milieu champêtre, entre autres, tandis qu’une liste avec des Petits Pingouins nous assure presque que l’ornithologue a passé du temps au bord du fleuve. À l’inverse, l’observation de corneilles nous informe très peu sur les habitats fréquentés.
Partant de cette idée, j’ai créé une liste des habitats “typiques” des 250 espèces les plus fréquemment observées au Québec. J’ai attribué pour chaque espèce un “score” pour chacun des habitats suivants: fleuve, forêt, urbain, champs, marais. La somme des scores était fixée à 1. Ainsi, la Sturnelle des prés avait les scores de 0, 0, 0, 1 et 0 pour ces habitats, respectivement, alors que la corneille avait 0.2 pour chacun des habitats.
Restait simplement à associer ces scores à chacune des millions de mentions eBird pour le Québec, et calculer la somme des scores de chaque habitat pour chaque liste eBird. Ainsi une liste “généraliste” (p.ex., le tour du Cap Tourmente) donnait des scores assez similaires pour chaque habitat, et une liste à la forêt Montmorency donnait un score élevé pour la forêt, et faible pour les autres habitats. Bien sûr, l’habitat a beaucoup plus de signification en saison de nidification que le reste du temps, du moins pour certaines espèces comme les parulines. Par exemple, la présence de la Paruline à gorge orangée dans une liste en juillet nous informe davantage qu’en mai.
N’empêche, l’idée semble fonctionner, et on peut même s’en servir pour évaluer la tendance d’une espèce dans divers habitats:
On voit ici que la Paruline à gorge orangée est plus susceptible d’être observée lorsqu’on bird en forêt (rassurant!) et que le Goglu se voit plus fréquemment même si en moins grand nombre qu’autrefois, lorsqu’on bird dans un champs ! Intéressant de noter que le goglu s’observ(ait) fréquemment dans des marais - probablement des oiseaux en migration.
Rassuré par les résultats par espèce, je me suis permis de vous offrir une vue d’ensemble, en posant la question: Quels sont les habitats les plus fréquentés par les ornithologues, et ont-ils changé au Québec depuis 1970?
Voici la réponse, selon eBird:
Avec cette palette de couleurs digne des années 1980, on constate plusieurs choses. D’abord, le milieu urbain gagne en popularité, en toutes saisons. On note que l’été on bird surtout en forêt, et de plus en plus, comparativement aux autres habitats. L’hiver par contre, on constate que les listes proviennent surtout de milieux urbains, tandis qu’en migration, on bird davantage près du fleuve, même si cette préférence pour le fleuve s’estompe. Les marais sont au bas de tous les graphiques - pas surprenant en hiver, mais le reste du temps, cela témoigne sans doute de la faible disponibilité de ces milieux.
Les champs semblent avoir perdu beaucoup de popularité - est-ce la cause ou l’effet du déclin observé des oiseaux champêtres? Je parierais que c’est une combinaison des deux! N’empêche que les changements apparents dans les habitats fréquentés par les ornithologues depuis 1970 pourraient avoir un impact important sur les calculs des tendances des espèces. Comme si c’était pas assez complexe!
Comme d’habitude, ces analyses n’ont pas encore passé le test du temps, et pourraient contenir des erreurs non négligeables. J’ai hâte de lire vos commentaires et suggestions.
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Commentaires importés de WordPress
Jacques Larivée 27 mars 2022
Bonjour André,
Tes analyses sont très intéressantes et j’aimerais bien y avoir pensé il y a 20 ans. En ce qui concerne les pâturages (habitat champs), leur surface au Québec a diminué de plus de 50% depuis 50 ans, ce qui expliquerait en partie la diminution de la fréquentation de cet habitat par les observatrices et observateurs.
Stéphane 28 mars 2022
Bonjour,
Qu’est-ce qui expliquerait la diminution des listes du fleuve l’été ?
André Desrochers 28 mars 2022
@Stéphane: je ne sais pas. Peut-être la fréquentation accrue par la population, rendant les sites moins attrayants pour les ornithos? Pensez aux sports nautiques.
Guy Michaud 29 mars 2022
Outre la disponibilité des habitats qui varie dans le temps, on ne peut pas ignorer l’accessibilité qui varie également dans le temps. Le développement des sentiers (un peu partout dans divers milieux) ou des parcs (espaces verts) en milieu urbain ou périurbain oriente (ou draine?) sans doute les ornithologues vers des terrain de « chasse » facile d’accès?
Jonathan Fréchette 5 juillet 2022
Merci André pour l’analyse! Les graphiques sont beaucoup plus parlant que je m’y attendait!
Je retiens une chose: le birder moyen veut + d’espèces et + facilement.
Effectivement le modèle agricole récent rend moins attrayantes les sorties champêtres. Donc le milieu est facile d’accès mais pauvre.
Les marais sont difficiles d’accès mais + riches. L’entretien d’un accès pour un marais est onéreux, on peut penser aux rampes pourrites et aux aménagements abandonnés par divers organismes.
Est-ce que le vieillisement de la population a joué un rôle dans les habitudes d’observation, je suppose que oui.
André, est-ce que tu as validé si les habitudes sont différentes d’une région à l’autre (montérégie, bas st-laurent, etc)? Certains habitats doivent être + disponibles et fréquentés selon la région? Merci encore!
André Desrochers 5 juillet 2022
@Jonathan: Je n’ai pas examiné les différences régionales, mais c’est certain que l’évolution de la fréquentation des habitats est le résultat d’une interaction entre l’évolution des habitats eux-mêmes et l’évolution des habitudes des ornithologues. Il y aurait de quoi faire une belle recherche de maîtrise!